Catastrophe - Le désastre

Ce n’est pas arrivé

Le désastre ruine tout en laissant tout en état. Il n’atteint pas tel ou tel, « je » ne suis pas sous sa menace. C’est dans la mesure où, épargné, laissé de côté, le désastre me menace qu’il en moi ce qui est hors de moi, un autre que moi qui devient passivement autre. Il n’y a pas atteinte du désastre. Hors d’atteinte est celui qu’il menace, on ne saurait dire si c’est de près ou de loin – l’infini de la menace a d’une certaine manière rompu toute limite. Nous sommes au bord du désastre sans que nous puissions le situer dans l’avenir : il est plutôt toujours déjà passé, et pourtant nous sommes au bord et sous la menace, toutes formulations qui impliqueraient l’avenir si le désastre n’était ce qui ne vient pas, ce qui a arrêté toute venue. Penser le désastre (si c’est possible, et ce n’est pas possible dans la mesure où nous présentons que le désastre est la pensée), c’est n’avoir plus d’avenir pour le penser.

Quand est arrivé le désastre ? Lorsqu’en juin 2022 nous avons appris ton cancer, Catherine ? Avant, quand dans l’ignorance la première cellule folle a divergé, indétectable (supposition : 2016, date d’une débâcle initiée en 2009 : notre commune perte d’emploi, ma dépression et peut-être ton cancer) ? Le 3 avril 2024, lorsque tombant sans cesse, ne parvenant plus à marcher, tu fus transportée à l’hôpital, jamais n’en ressortant ? Le 25 septembre 2024, lorsque l’incohérente t’emporta ? Le lendemain lorsque les médecins d’un coup m’ont fait passer de l’espoir de ta réhabilitation presque réussie à l’annonce de ta fin imminente ? Le surlendemain lors de ton transfert des soins de réhabilitation aux soins palliatifs ? Les jours qui ont suivi, alors que tu hallucinais et perdais la vue ? Le 9 octobre, lorsque le coma t’éteignit ? Le 13 octobre, à ta mort ? Lors des obsèques ? Lors de l’ensevelissement ? Plus tard, au cimetière, au pied de ta tombe cinéraire ? Le désastre n’est pas situable, il m’était menace, j’en étais hors d’atteinte ; comme si le désastre n’était pas arrivé parce qu’il avait été, est et sera toujours là. C’est vers le quarantième jour après que l’infini de cette menace a rompu toute limite. Depuis, je suis au bord du désastre sans que je puisse le situer dans l’avenir. Je ne suis pas dans le désastre, mais n’ai plus d’avenir pour le penser. Le désastre a arrêté toute venue, tout avenir.

Capture

Vevey, gauche : 16.01.2018 ; droite : 3.01.2018
Sony ILCE-7, gauche : Sony SAL 4.5-5.6/70-300G-SSM-II, 70 mm, f 22, 1/8, iso 50 ; droite : Sony FE 3.5-5.6/28-70, 28 mm, f 4.5, 1/50, iso 100


Edition

Diptyque .arw > .psd, 12200 x 4000 px, images, chacune, 6000 x 4000 px, 5.12.2024


Epreuves

Canon Pixma pro-10
3, Canon photo pro platinum, 42 x 29.7 cm ; images, chacune 18 x 12 cm , 8.12.2024


Photographie de Catherine, Marseille 2015, non éditée


Texte et liens

Vevey, 24.12.2024